• Aurélien et Bérénice

    Ce texte est un peu plus récent... il est extrait d'une longue série écrite dans le cadre d'un atelier d'écriture.

    Ici, il s'agissait de créer un récit à partir de la première phrase d'un roman ou nouvelle pré existant.

    Je suis partie de l'incipit d'Aurélien de Louis Aragon.

     

     

                    La première fois qu'Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide.

                    Pourtant avec le nom de la femme qui avait failli faire renoncer Domitien à l'Empire romain, elle aurait du être magnifique. Ceux qui l'avaient appelée ainsi n'avaient ni culture ni respect pour les grands classiques. C'était presque aussi cohérent que d'appeler un marteau piqueur "Mélodie".

                    Aurélien n'en revenait pas. Il ne parvenait pas à en détacher son regard.

    Quel homme détournerait son regard d'elle ?

    Sous peine d'être changé en statue de sel ?

                    Il était arrivé au marché au bout de deux heures de route. Il avait fait ses provisions pour la semaine et s'apprêtait à rentrer à la ferme quand son regard s'était posé sur le stand portant les mots "Bérénice et ses amis". La principale intéressée trônait derrière l'étalage de produits laitiers.

                    Ladite Bérénice n'avait que la peau sur les os. Et ses os étaient si fins qu'Aurélien se demandait comment elle pouvait tenir debout. Et cette tignasse mal dégrossie… Elle ne donnait vraiment pas envie de consommer ses produits.

                    La seule ressemblance avec la maîtresse (presque) impériale immortalisée par Racine résidait justement dans l'attitude pleine de dignité de Bérénice. Elle regardait Aurélien avec des yeux venus d'un autre âge. Sa peau très plissée lui faisait penser à celle d'une momie.

                    Il ne comprenait pas la démarche. Ce que l'on vend au marché était sensé donner envie. Or qui voudrait approcher de Bérénice, si bons ses produits soient ils ? Même lui qui n'avait pas fait d'études de commerce savait ça. D'ailleurs, il était visiblement le seul à s'intéresser au stand.

                    Aurélien avait un bac littéraire. Il se rêvait poète mais avait dû reprendre la ferme de son père, suivant la tradition familiale depuis des générations. Il venait de trouver en Bérénice une source d'inspiration. Baudelaire, sa fascination pour le laid et le bizarre…Hugo, sa compassion pour les méprisés et les opprimés…Il revivait ses années lycée.

                     Une voix le ramena à la réalité :

    - Bonjour, vous désirez monsieur ?

    - Hein…oh, rien merci… Je ne fais que passer. bafouilla-t-il

    - Vous vous fichez de moi ? Ca fait cinq bonnes minutes que vous zyeutez ma vache !

    - Mais pas du tout…

    Aurélien regagna prestement sa voiture. Il pensait déjà à se remettre à écrire. Son poème s'intitulerait Bérénice ou la rencontre du troisième type.


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  • Commentaires

    1
    Elda
    Mardi 1er Juillet 2014 à 23:46

    L'art ce n'est pas la représentation d'une belle chose, mais la belle représentation d'une chose ! è_é

     

    /seprendunpoteau

    2
    Mercredi 2 Juillet 2014 à 08:42

    Damned c'est vrai !

    Bon, tu sais quoi, on va dire que ça fait longtemps qu'Aurélien n'est plus au lycée ^^

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